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vendredi 16 novembre 2018

Parlons d'innovation avec…

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David Fieloux, d'Objectif 3D

Interview du 14 septembre 2018 réalisée par rOmain Thouy à Montpellier


8ème article d'une série d'interviews réalisés sur la gestion de l'innovation dans le domaine des industries créatives (jeux vidéo, films d'animation) de notre région (ndlr : l'Occitanie).

David FielouxDavid Fieloux, directeur général de l'école Objectif 3D, école privée spécialisée en image de synthèse 3D, qu'il a co créée en 1999 avec François Belenguer.
L'école propose les formations suivantes à plus de 200 étudiants sur Montpellier :
  • cursus Cinéma d'Animation 3D & VFX (Mouvement, Réalisation 3D et Live & VFX) comprenant une première année d'animation 3D (tronc commun avec cursus jeux vidéo) suivie de 3 ans de spécialisation
  • cursus Jeux vidéo (game et level design, concept art, production, etc.) comprenant une première année d'animation 3D (tronc commun avec cursus cinéma) suivie de 3 ans de spécialisation,
  • cursus Game programming de 3 ans (programmation objet, gameplay, Unreal et unity 3D, etc.)
  • formation Webdesign d'un an (graphisme multimédia, webmastering, gestion de projet)
  • formation Webdevelopment d'un an (PHP/MySQL, conception et programmation objet)
L'école Objectif 3D d'Angoulême propose les formations suivantes à 50 étudiants (ouverte depuis la rentrée 2017) :
  • cursus Cinéma d'Animation 3D & VFX, comprenant 1 an pour l'acquisition des bases de la fabrication d'un film 3D + une seconde année de spécialisation dans les domaines suivants : Modélisation, Setup, Texturing, Lighting/Rendu/Compositing, Animation
Sa formation : fac de droit, puis rapidement fondateur-gérant d'une salle de jeu vidéo (1996) sur Montpellier, avant de monter l'école Objectif 3D avec François.
  • son 1er projet : salle de jeu Dimension 4 (près de la rue des balances, Montpellier)
  • son 1er gros succès : mise place du festival d'animation d'Annecy à Phnom Penh (Cambodge), dans le cadre du partenariat avec O3D Asia et Objectif 3D
  • son dernier gros succès : à venir mais encore secret ! : )
"J'ai fait la fac de droit, mais j'ai toujours été passionné de jeux vidéo. Notre génération, c'est celle du Pong sur la télé, Pac Man et autre. A l'époque, c'était dans les bars et cafés qu'on jouait. Comme le droit n'était pas une passion, et bien, avec un ami, on a ouvert une des premières salle de jeux vidéo de montpellier en février 1996. La salle s'appelait Dimension 4 (près de la rue des balances), et ça a plutôt bien marché. Aujourd'hui, je suis directeur de l'école Objectif 3D de Montpellier."

Bonjour David, tout d'abord, comment définis-tu l'innovation dans ton domaine ?

Bonjour rOmain.
L'innovation, dans notre domaine, c'est de croiser les regards, trouver de nouvelles collaborations, sortir des silos habituels pour décloisonner l'apprentissage et rendre nos élèves plus agiles à leur arrivée dans le monde du travail. Tu fais rentrer un nouvel élément, et là, du coup, tu as quelque chose d'innovant, de vraiment nouveau ! Pour moi, l'innovation doit être utile ! L'innovation ne doit pas servir à l'autosatisfaction ou être une vitrine. Elle est un outil au au service des élèves et de notre filière. Cela a toujours été notre ligne de conduite au sein de l'école : "l'innovation pragmatique".

Comment portes-tu cette innovation ?

L'innovation est omniprésente, c'est un état d'esprit. Nous nous appuyons sur les projets de classe pour tirer cette innovation. Prenons par exemple, la réalité virtuelle. L'année dernière, il y avait un projet sur une déclinaison des Escape Room où il fallait associer les actions d'un joueur du monde réel avec celles d'un joueur dans un monde de réalité virtuelle. Le premier déplaçait des objets sur une tablette et le second se déplaçait dans l'endroit d'où le premier devait le faire sortir. Cette année, nous allons continuer à faire du VR, mais cette fois en réseau.
Ces projets originaux viennent souvent de propositions des professeurs. Il y a un réel enthousiasme autour de ces propositions. Cela vient du fait que nous sommes très "famille" à Objectif 3D. Nous avons des moments très conviviaux entre nous. Et nous préparons tous ensemble les projets d'une année sur l'autre.
L'équipe pédagogique est constituée d'une quinzaine de permanents, et presque autant d'externes, mais là-aussi, cela peut varier d'une année sur l'autre. Pour ce qui est des intervenants externes, leur intervention peut aller de 2 jours à 1 mois, c'est là-aussi très variable.
Au départ, historiquement, François Belenguer et moi étions les porteurs et instigateurs de ces projets pédagogiques innovants. Petit à petit, cet état d'esprit s'est diffusé. François est en train de le porter aujourd'hui à Angoulême. Alexis [Alexis Soler, co directeur Objectif 3D Montpellier et enseignant en infographie 3D], notre nouvel associé, qui est aussi un ancien élève de l'école qui a baigné dans cet esprit, le porte à son tour et le transmet à tous.
Aujourd'hui, je n'ai plus, sincèrement, l'impression d'insuffler la chose parce que l'école est comme ça. C'est-à-dire que les nouveaux qui arrivent, soit ils rentrent tout de suite dans cette logique là, soit ils ne restent pas, d'eux-mêmes, parce qu'ils n'adhèrent pas.

Pourquoi est-ce si important d'innover ?

Dans le domaine de la pédagogie, il faut quand même être prudent avec l'innovation, car ça peut être un piège : il y a toujours de nouveaux jeux, de nouveaux produits, de nouvelles techniques, mais au final, une monnaie reste une monnaie, un calcul reste un calcul, un rendu un rendu, et ce qui est important, c'est que nos élèves soient capables de s'adapter à chaque nouveauté. Chaque studio de production travaille différemment. Même s'ils utilisent les mêmes logiciels, ils ont chacun leurs propres processus de production. Donc, si nous restons trop pointus, trop calés sur le produit à la mode et innovant du moment, nous allons former des gens qui ne seront pas dans une logique de carrière, mais plutôt d'outils. Donc, nous devons à la fois innover et nous renouveler, et à la fois résister à l'appel des sirènes de l'innovation car il faut qu'au niveau formation nos élèves aient un socle et des bases propres et solides. Nous devons rester très vigilant à cela.

Comment fais-tu pour innover ?

Notre processus d'innovation, depuis 2 ou 3 ans, consiste à vraiment essayer d'enlever les barrières entre les sections spécialisées, en faisant réaliser aux étudiants des projets/produits communs en mode de plus en plus collaboratifs. Par exemple, l'année dernière, les étudiants en jeux vidéo ont inventé un concept de jeu qu'ils ont ensuite réalisé (pas le jeu en entier, seulement quelques niveaux), et les étudiants en cinéma ont réalisé les cinématiques marketing du jeu : nous avons fait ça pour décloisonner les sections et bien faire comprendre aux étudiants la vision complète de l'industrie du jeu et du cinéma. Nous les avons positionné dans une logique de produit fini. Du coup, les élèves se sont appropriés le projet, et ils se sont même pris au jeu en se faisant la compétition entre eux : il y avait ceux dont le jeu avait été le plus téléchargé, ceux dont le teaser avait été visionné le plus de fois, ceux dont le jeu avait eu ses niveaux les plus joués, etc.
Je dirais aussi que la communication entre les membres de l'équipe pédagogique est un élément important dans notre processus. Nous nous réunissons, souvent autour d'un moment convivial, au moins une fois par mois, des fois plus souvent, ça dépend vraiment des périodes dans l'année. Ce n'est pas régulier ni établi précisément.
Notre processus est basé sur la discussion et les échanges. Il y a Nadia [Nadia Gasq, professeur d'histoire de l'art, d'analyse de l'image et également responsable pédagogique] qui insuffle cet esprit d'innovation. Elle est un peu le chef d'orchestre de nos rencontres et discussions.
Et pour qu'une idée nouvelle soit mise en oeuvre, il faut qu'elle obtienne une adhésion globale. Ce n'est pas moi plus qu'un autre qui valide ou impose sa mise en oeuvre. De la même façon, si l'idée n'est pas comprise, elle n'aboutira pas. Par contre, nous ne changeons pas de pédagogie en cours d'année, il n'y a donc pas de mise en oeuvre immédiate. En fonction des idées, je laisse les experts concernés en débattre, et nous la validons si elle obtient le consensus des personnes concernés. Nous sommes une petite structure, tout le monde contribue, tout le monde est important. Et cela fonctionne bien !

Allez, David, tu peux m'en dire un peu plus ?

Nous expérimentons dès que c'est nécessaire. S'agissant de la pédagogie par exemple, l'année dernière, nous avons voulu changer les cours d'anglais. C'est un cours indispensable, mais qui ne rencontre pas son public : les élèves retombent très vite dans le côté scolaire qu'ils n'aiment pas. Pour compenser cela, nous avons changé l'année dernière l'organisation de ces cours, en regroupant les étudiants par niveau et non plus par classe (comme c'était le cas avant). Et bien ça n'a pas bien fonctionné car les professeurs ne savaient pas si les élèves étaient absents parce qu'ils étaient en cours d'anglais. Il y avait aussi le problème des projets où seulement la moitié de la classe suivait le cours, et quand l'autre moitié revenait, il fallait donc rattraper ce qui avait été suivi par la première moitié. Donc au final, une expérience pédagogique pas terrible non plus. Cette année, nous sommes revenus sur un format classique, jusqu'à ce que nous trouvions une solution qui convienne à tous.

Comment stimulez-vous l'innovation chez Objectif 3D ?

Comme je l'ai dit, l'innovation a toujours été au coeur de notre activité et est aujourd'hui impulsée "de manière naturelle" par toutes les parties prenantes : les professeurs, les élèves, les studios partenaires...
Nous sommes sur des métiers de passionnés : les professeurs comme les élèves sont des passionnés, et chaque enseignant développe et entretient sa propre culture en faisant sa propre veille dans sa spécialité. Et c'est ensuite la communication et l'échange des cultures qui permet de se rendre compte de ce qui existe et de comment il est possible de l'appliquer, dans telle ou telle matière. Le jeu vidéo peut être appliqué dans le cinéma et réciproquement, même principe pour le web. C'est vraiment cette diversité là qui stimule notre innovation.
Les salons sont très inspirants pour tout le monde et ils nous permettent de rester connecter à notre industrie. Par contre, nous n'avons pas trop de communication ou d'échanges avec les autres écoles ni l'université. Nous aurions tous tout à gagner à imaginer des collaborations ! L'université par exemple, a su développer une expertise dans l'appréhension d'un jeu, de tout ce qui est culturel, de toute la réflexion autour du jeu. Nous pourrions imaginer un projet commun où nous pourrions apporter notre expertise plus "technique". Il serait temps de rétablir le dialogue "public-privé". Mais je crois que c'est une question "plus politique" qui nous dépasse.

Un petit scoop, sur le futur proche ?

Les étudiants vous réservent une surprise pendant l'événement "Coeur de Ville en Lumière" à Montpellier. La ville illumine les façades emblématiques et nous sommes heureux d'y participer cette année encore. Les spectateurs vont pouvoir devenir acteurs et jouer sur les monuments de la ville…Je n'en dis pas plus, il faut venir participer !
Côté Game, les étudiants de 3e année préparent un jeu en réalité virtuelle qui sort une nouvelle fois des jeux traditionnels.
Côté ciné, "Birth" le film d'animation de l'année dernière parcourt le monde à travers plusieurs festivals. Il sera dévoilé à la fin des sélections…
Nous sommes également très fiers des Escape Games en réalité virtuelle réalisés l'année dernière. Un concept nouveau qui mélange le jeu physique et virtuel. Une dualité très intéressante, et un but commun : sortir le plus vite possible ! (L'un d'entre eux a été sélectionné aux Ping Awards)
Vous pouvez retrouver tous les jeux et films sur notre site www.objectif3d.com/galerie-games-fusion/
Pour le reste, il faudra être patient ! Et pour connaître les nouveautés, rendez-vous sur les réseaux sociaux.

Merci David, d'avoir partagé ta vision sur l'innovation.

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