Antoine Seilles, de
- son 1er jeu : Hammer and Planks
- son 1er gros succès : MediMoov
- son dernier gros succès : Beat Workers
MediMoov aux Érables (Guebwiller) : Skies (Main Droite, debout) - © NaturalPad
“Je suis l'un des fondateurs de NaturalPad, que nous avons créée en 2013. Nous avions commencé à prototyper des choses 2 ans avant sa création. Cela coïncidait à peu près avec la fin de ma thèse en informatique, consacrée à l'analyse et au traitement des données issues des réseaux sociaux, en particulier sur les politiques de gestion des communs (débats publics en ligne). J’avais commencé mon doctorat en 2008, et pour se remettre dans le contexte, c’était les débuts de Facebook en France. Il n'y avait pas de notion de données privées ou autres. Je me rappelle que je faisais mes premières analyses de graphe de réseaux sociaux en allant directement requêter sur la base de données de facebook en mysql à l'époque.”
“NaturalPad est une société qui propose des jeux vidéo basés sur le mouvement pour faire faire de l'activité physique, que ce soit en prévention ou en rééducation. Aujourd'hui, nos clients sont essentiellement des établissements de soin, plutôt orientés rééducation. Début 2021, nous avons 107 établissements équipés de nos solutions. Plus de la moitié sont des maisons de retraite, donc beaucoup de nos gamers ont plus de 80 ans. Nous avons aussi des services de Soins de Suite et Réadaptation [les SSR ont 3 missions : la rééducation d’un organe lésé en vue de sa restitution intégrale ou optimale, la réadaptation du patient pour lui permettre de s’adapter au mieux à ses limitations et le recouvrement maximal des conditions de vie de ce patient avant son séjour hospitalier] où nous avons à faire à des personnes qui, suite à un accident de la vie, doivent vivre une période de rééducation que nous souhaitons la plus courte possible. Nous avons aussi des établissements de personnes en situation de handicap : l'exercice physique permet à leurs occupants de garder un maximum de motricité, de capacité de mouvement, tout au long de leur vie.”
“En 2011, vers la fin de ma thèse, la Wii commençait à être détournée de son usage de console de salon pour permettre de faire des activités physiques dans des établissements de santé et surtout dans les Ehpads. C’est aussi à cette époque que sortait le Kinect de Microsoft [périphérique destiné au matériel Microsoft avec la Xbox 360 pour la V1 et la Xbox One et Windows depuis la V2 permettant de contrôler une interface sans utiliser de manette; sorti en Europe le 10 nov. 2010].”
“Avec des collègues de laboratoire, nous avions constaté qu’il y avait une attente du marché pour des jeux pour faire bouger et qu’il y avait aussi une solution technologique plus aboutie que les accéléromètres de la Wii. Nous nous étions dit alors que nous pouvions faire des jeux dont le contenu serait plus orienté vers le médical. Nous avons alors commencé à créer des prototypes qui ont beaucoup plu à une équipe de rééducation du CHU de Montpellier, dont le professeur Isabelle Laffont, notamment. Et nous avons alors pensé que nous pourrions vendre ce que nous avions développé à des soignants en créant une entreprise.”
“Nous nous sommes un peu plantés car nous sommes allés un peu vite en pensant que les gens allaient acheter facilement ce produit. En réalité, il restait encore beaucoup de travail à faire pour que cela fonctionne ! Nous avons commencé à réaliser nos premières ventes à peu près un an après ce démarrage. Pour y parvenir, il a été nécessaire de bien comprendre la réglementation autour des dispositifs médicaux : quand tu vends un produit qui est censé soigner il y a beaucoup de choses à démontrer. C’est à cette période-là que nous avons rencontré Guillaume Tallon, qui était doctorant à la faculté des Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives de Montpellier (STAPS). Il n’y a pas que le sport à l’honneur dans cette faculté, il y a aussi beaucoup de sciences du mouvement, avec beaucoup d’enseignements sur l’utilisation du sport en rééducation. Guillaume finissait sa thèse sur tout ce qui était prévention des risques de chute chez les séniors. Le contexte de la Wii en Ehpad lui parlait complètement, et quand il a vu ce que nous faisions, il a complètement accroché au concept. C'est devenu l’un de mes associés et il a un rôle très important aujourd’hui dans l’entreprise. Il s’occupe de tout ce qui est validation médicale et étude clinique du produit."
Interview Zoom d'Antoine Seilles de NaturalPad |
Tout d'abord, Antoine, comment définis-tu l'innovation dans ton domaine ?
Dans notre cas, il s’agit de la rencontre de deux domaines. Techniquement parlant, nous n’avons pas inventé les jeux de mouvements, ni un procédé logiciel, ni un algorithme. Même si nous avons fait pas mal de publications, déposé un brevet sur la synchronicité, nous nous appuyons surtout sur des choses qui existent déjà et que nous implémentons à notre sauce.
Notre innovation est plutôt dans le fait que nous identifions un problème que rencontrent des personnes à qui nous proposons une nouvelle façon de le résoudre.
Pour y parvenir, nous utilisons tout ce qui fait partie du motion gaming dans le but de faire bouger les gens pendant leur rééducation. Il faut savoir que dans ce domaine, 70% des gens abandonnent la rééducation avant la fin parce qu’ils sont démotivés, parce que c’est répétitif et qu’il est difficilement valorisant de récupérer des capacités de mouvement. Il y a aussi le fait que le progrès peut être lent pour arriver à un résultat qui correspond à ce qu’on avait avant l’accident ou avant de commencer à vieillir. Dans tous ces cas, la motivation est un vrai problème. Hors, dans le jeu vidéo, la motivation est, à l’inverse, omniprésente si le jeu est bien conçu. Il existe plein de mécaniques pour l'entretenir, en jouant sur la frustration, le challenge, etc.. Il y a aussi beaucoup de marqueurs de succès, de progrès. Tout cela fait que les gens rentrent facilement dans le jeu et ont naturellement envie de se dépasser.
Pour résumer, je dirai que nous avons une innovation d’assemblage de choses techniques qui existaient pour proposer une nouvelle solution à un problème existant.
Comment portes-tu cette innovation?
Il y a une culture et une envie d’innovation chez NaturalPad au service du développement de l’entreprise et dans le but de pérenniser son fonctionnement. Dans notre cas, cela signifie inventer de nouvelles choses.
Notre premier produit (la plateforme MediMoov) est constitué de petits jeux, avec des sessions de rééducation qui durent 20 minutes, soit 4 fois 5 minutes de jeux différents (plutôt que 20 minutes d’un seul jeu).
La durée de vie d’un jeu vidéo chez un joueur est très courte (inférieure à ¼ d’heure). Cela est dû en partie à la fantastique diversité de contenus qui est proposée. C’est visible sur les stats de Steams, par exemple. Tout le monde achète plein de jeux, il y a plein de promos, ce n’est pas cher, mais on ne joue vraiment plus d’une journée qu’à 10% de ces jeux.
Accepter que la durée de vie d’un jeu soit courte est une stratégie courante aujourd’hui dans le jeu mobile. Les éditeurs vont sortir un jeu par mois et il savent qu’il faut récupérer leurs joueurs d’un jeu à l’autre.
Donc nous avons choisi de réaliser des petits jeux d’arcade qui se prêtent bien à la séance de rééducation de 20 minutes, mais il faut quand même une grande diversité pour que les gens ne jouent pas tout le temps aux mêmes jeux.
Comme je l’ai dit, pour pérenniser notre entreprise. Nous avons l’intention d’étendre l’offre pour correspondre à plus de cas thérapeutiques possibles en proposant de nouveaux exercices.
Il est important aussi de diversifier notre offre en termes de produits, car nous avons constaté, avec la crise sanitaire, qu’il peut être risqué de tout miser sur un seul produit.
Pour y parvenir, nous faisons beaucoup de R&D, peut-être même à hauteur de 80% de notre charge. Sur 13 personnes actuellement, dont 4 qui sont plutôt sur le commercial, il y en a 9 qui travaillent sur la R&D et la production. Mais même en phase de production, nous itérons en fonction des retours terrains, donc c'est difficile de quantifier précisément notre charge de R&D pure.
Pour illustrer un peu cela, je peux te donner deux exemples.
Pour l’application aBeat, il y a eu quelques mois d’interviews pour moins d’une semaine de développement. Le fait d’avoir bien réalisé nos interviews, nous savions exactement ce qu’il fallait faire. Nous avons la volonté de toujours aller au plus simple (le MVP = Minimum Viable Product), même si c’est dur d’accepter de virer des trucs pour avoir quelque chose de testable en maximum 5 à 10 jours.
A l’inverse, le premier jeu sorti dans MediMoov nous avait coûté à peu près 200 000 €, avec beaucoup de fonctionnalités, de polish, beaucoup de paramètres de réglages. Les derniers jeux sortis sont plutôt autour de 15 à 20 000 €, car nous allons au plus simple, tout en étant prêt à rajouter ce qu’il faut en fonction de la demande ou des retours de nos utilisateurs.
Comment faites-vous pour innover?
Nous partons d’une idée, même si notre base de réflexion n’est pas l’idée elle-même mais à qui, quels utilisateurs, elle va servir. Donc nous partons toujours d’une idée en acceptant qu’elle soit fausse. Même si elle a des aspects géniaux, tant qu’elle n’est pas confrontée aux utilisateurs, il y a de forte chance que ce ne soit pas la meilleure idée.
Je conserve néanmoins les méthodes de conception participative centrée utilisateur que je suivais pendant mes recherches. Ces méthodes sont très proches de ce qui est fait dans le Running Lean, qui est une de nos références en la matière et que je recommande aux personnes qui veulent créer des produits innovants destinés à de vrais utilisateurs.
En suivant ce type de méthode, nous réalisons beaucoup d'interviews de futurs utilisateurs, une seule personne à chaque fois (pas de focus groupe), de la liberté de parole, avec un rapport très débridé avec nos futurs utilisateurs. Ils nous disent très franchement quand quelque chose ne va pas. Nous faisons cela au démarrage de la création d'un produit pour bien comprendre quel problème rencontre la personne dans sa vie et comment nous allons pouvoir l'aider.
Nous commençons toujours par déterminer avec qui nous devons travailler pour mettre en œuvre l’idée première. Nous définissons les profils types de ces futurs utilisateurs en imaginant qui ils sont.
Nous démarrons macro puis réduisons l’échantillonnage pour déterminer la première population à qui nous adresser. Cela peut être une association, un groupe d’établissement ou de personnes concernés par telle ou telle pathologie, etc… Nous cherchons en fait nos early adopters, nos premiers utilisateurs.
Nous utilisons un outil du running lean qui s’appelle le lean canvas. Nous remplissons les premières cases, avec notre idée de solution, qui va être fausse donc nous l’écrivons très vite,sans y passer trop de temps tout de suite. Nous imaginons très vite les 3 problèmes principaux des utilisateurs, même si nous savons qu’ils sont faux : cela nous servira à démarrer les interviews.
Exemple de Lean Canevas issu d'une collaboration avec la Macif (2017) - © NaturalPad |
La conception commence toujours par des interviews Problèmes, selon 2 cas de figure :
S’il n’y a pas de produit existant, le but est de détecter les 3 problèmes principaux que rencontre la personne dans son quotidien. Nous mettons à jour le lean canvas avec ce premier jeu d’interviews.
Si le produit existe, le but est de détecter les 3 problèmes principaux que rencontre la personne dans son quotidien avec l’usage du produit.
Au bout d’une dizaine d’interviews Problèmes, nous estimons que nous sommes rodés avec une trame d’interview claire, une bonne idée des problèmes rencontrés par notre population cible et de bonnes intuitions. Même si le profil est plutôt bien établi à ce stade, il y a toujours dans les interviews, une partie prévue pour que les gens racontent qui ils sont pour nous permettre de voir s’ils correspondent ou pas au profil que nous avons imaginé.
Au bout de 30 interviews Problèmes, nous sommes quasi sûr de nous. Nous sortons de l’intuition pour être plutôt dans la conviction. Nous mettons à nouveau à jour le lean canvas avec ce second jeu d’interviews, en étant convaincu qu’il est bon au moins jusqu'à la partie Problèmes.
C’est le moment où nous switchons du mode “Identifier les problèmes” à “Imaginer des solutions”. Souvent nous parlons d’une équipe Problèmes et d’une équipe Solutions; ça peut être les mêmes personnes, mais il faut veiller à changer de mindset : dans les interviews, il faut rencontrer des gens, les écouter et oublier nos propres convictions; dans la recherche de solutions, il faut plutôt faire des propositions techniques.
Pour cette phase, nous utilisons des outils classiques de brainstorming; nous nous donnons un temps de réflexion limité, pendant lequel nous faisons des réunions d’équipes ou nous cherchons chacun de notre côté puis nous mélangeons les propositions. Nous essayons de proposer des artefacts de solutions présentables et d’en garder 3 ou 4 qui semblent pertinentes. Cette phase dure quelques jours seulement, il ne faut pas passer trop de temps dessus. Pour chaque solution retenue, il faut quand même arriver avec un storyboard, une vidéo de quelque chose existant qu’on a un peu changé pour qu’elle illustre le plus possible la solution. J’insiste, nous devons avoir des solutions présentables à des utilisateurs car nous voulons voir comment ils se projettent dessus. Le but est de savoir très vite si la solution est crédible ou si c’est n'importe quoi.
La présentation des solutions se fait avec des interviews Solutions. Idéalement, il ne faut pas que plus de 50% des personnes interrogées en interview Solutions soient des personnes que nous avons déjà rencontrées. C’est nécessaire pour éviter les biais classiques. Si c’est le cas, les personnes commencent à nous connaître, et il peut se passer 2 choses gênantes : les personnes nous connaissent et risquent d’imaginer des choses et de réagir dans le sens de ce que nous avons imaginé. S’ils commencent à nous apprécier, ils auront du mal à être honnêtes et vont se brider pour ne pas nous déplaire.
Dans cette phase aussi nous allons beaucoup itérer. Les premiers artefacts de solutions que nous allons présenter peuvent être rapidement rejetés. Nous allons essayer d’affiner jusqu’à avoir une solution à laquelle nous croyons parce qu’en face, les gens vont l’utiliser. Le plus dur dans cette phase là est de s’arrêter à des artéfacts qui sont purement de la présentation car c’est un peu délicat de valider que cela va correspondre à des usages. Pour diminuer cette appréhension, il faut passer progressivement d’artéfacts purement explicatifs à des artéfacts vraiment interactifs, c'est-à-dire les premiers prototypes.
C’est à ce moment-là que se pose vraiment la question de savoir si nous sommes en production ou encore en R&D. Tant que nous sommes sur les premiers cycles avec des storyboards, des maquettes papiers, nous estimons qu’il s’agit de prototypes, puis quand nous commençons à avoir des utilisateurs qui valident et qui sont prêts à payer le produit nous sommes beaucoup plus en phase de production.
Une autre problématique importante consiste à définir le prix d’un produit. C’est quelque chose de très compliqué car très perturbé par le phénomène de perception du prix. Le fameux “Jusqu'où serai-je prêt à payer?”. Très rapidement, il faut sortir du “est-ce que vous achèteriez cela s’il coûtait tant ?” pour aller vers le “si vous voulez l’utiliser, ce sera tant” et surtout finir par voir si les gens l’achètent ! C’est très validant d’aller jusqu’à la proposition de vente, même si le produit final n’existe pas encore.
Nous avons suivi tout ce processus pour créer l’application “aBeat”. Cette application permet d'améliorer la marche de personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Dans le cas de cette maladie, le problème à résoudre venait des difficultés concernant la synchronisation de la marche.
Pendant sa thèse, Charles Etienne Benoit (chercheur à Varsovie et coauteur de aBeat) a trouvé dans la littérature que le fait d’écouter un métronome pendant la marche pousse à se synchroniser au rythme du métronome et améliore de 70 à 80% la capacité de marche. Il a reproduit l'expérience qui y était décrite. Ce phénomène est quelque chose de bien connu en neuroscience et en clinique, et pourtant, les utilisateurs finaux sont peu informés de cette solution. Elle est toute simple et nous avons été très surpris de ce manque de connaissance. Nous avons proposé une application dédiée à cela, constituée au départ d’un simple métronome, auquel nous avons ajouté, au fur et à mesure des interviews utilisateurs sur l'usage de l'application, des fonctionnalités.
Nous avons commencé par écouter la description du ou des problèmes rencontrés dans la vie au quotidien, puis ensuite nous nous mettons à l'écoute des problèmes rencontrés avec l'application censée les résoudre.
C'est en faisant cela que nous nous sommes rendus compte que les gens ne marchent pas dans un cadre expérimental sur un beau sol lisse et parfait, mais plutôt comme une ballade, avec des montées et des descentes, qui peuvent changer leur rythme de marche.
L’inconvénient d’un métronome c’est qu’il impose une marche militaire. Les gens interrogés nous ont dit que ce serait mieux d’avoir quelque chose de moins rigide. C’est pourquoi nous sommes en train d’intégrer des musiques créées par un musicien avec un BPM (Beat Per Minute) très clair.
Concernant la détermination du prix, pour aBeat, nous avons eu une vraie problématique quand nous l’avons sorti. Au vu du temps passé sur la première version, nous étions très gênés de le vendre plus de 5 €. Nous l’avions mis à 2 ou 3 € sur le store. Quand nous avons commencé à communiquer dessus, les gens n’y croyaient pas : “à ce prix là, ce n’est pas un produit qui va changer notre vie !“ Nous l’avons donc passé à 20 €, et nous devrions être à 200 € pour que les gens perçoivent que c’est vraiment quelque chose qui change la vie. Nous avons décidé de le laisser pour l’instant à 20 €, et nous aviserons quand nous aurons rajouté des fonctionnalités. Je suis persuadé que la perception du prix sera plus forte que les fonctionnalités pour changer les ventes. Les gens imaginent que ce genre de solution coûte plus d’un millier d’euros.
Toujours dans le cadre de la maladie de Parkinson, nous avons accueilli un doctorant qui a développé récemment un prototype de jeu pour la rééducation à la marche en travaillant simplement sur la capacité rythmique des gens. Le jeu s’appelle Beat Workers (disponible sur le Playstore en préachat) et Rythm Workers dans sa version clinique. Le principe est de taper sur le téléphone en rythme avec la musique. A mesure que le joueur arrive à garder le rythme, il construit des bâtiments, tout en se baladant dans différentes villes de France. Ce jeu s’est fait sur 3 ans de thèse suivi de 2 ans de travail après le prototype de la thèse pour en faire un jeu qui va sortir en Février 2021.
Allez, Antoine, tu peux nous en dire plus ?
Cette méthode de conception que je viens de décrire se marie très bien avec tout ce qui est cycle court ou méthode agile. Nous avions déjà une culture de méthode agile dans la gestion du développement. Mais même la conception, nous nous efforçons de la faire en sprints, d’une à 2 semaines, d’avoir de petits objectifs et d’avancer de cette manière là. Cela fonctionne assez bien.
En ce qui concerne notre processus de conception, nous avons toutes les compétences en interne. Même s’il nous arrive de faire intervenir d’autres personnes quand nous sommes débordés, les interviews sont impérativement réalisées par nous, c’est très important.
Il arrive que nous fassions appel à notre réseau de chercheurs lorsque nous sommes en phase de solution, surtout si nous rencontrons des points de blocages, techniques ou autres. Cela peut intervenir lors de la réalisation de prototypes : dans ce cas, nous nous associons avec des laboratoires de recherche pour monter de petits projets de recherche qui nous feront arriver jusqu'au prototype.
Au niveau financement de notre R&D, nous restons sur l’échelle de la Région. Nous avons eu un FEDER, où nous étions prestataires, en collaboration avec un labo et la SATT. Nous avons tenté l’ANR, les H2020, sans succès pour le moment. Peut-être parce que nous n’avons pas encore le rayonnement suffisant. Nous avons eu 2 thèses CIFRE et la 3ième, en collaboration avec l’UPEC (Université Paris-Est Créteil) est en train de démarrer (elle est basée sur la capture de mouvement).
Nous commençons à publier sur notre blog des interviews avec des chercheurs avec lesquels nous travaillons.
Pour la production sonore, nous faisons tout le temps intervenir des prestataires : nous n’avons pas assez souvent de besoins, et ce sont des profils qui veulent garder leur indépendance. Ce mode de collaboration nous permet aussi d’avoir une variété de compositeurs et de style, qui joue directement sur la variété des productions.
Il y a également nos partenaires médicaux, pour les études cliniques, par exemple. C’est important d’en parler car cela fonctionne un peu comme avec les médicaments.
Il faut démontrer que nos solutions soignent les gens. Il y a 2 façons de faire :
soit nous démontrons que notre solution est équivalente à quelque chose déjà existant dans des revues scientifiques,
soit nous comparons les résultats obtenus avec des patients témoins versus des patients qui utilisent la solution. Ces études cliniques sont plus longues et plus coûteuses que la première possibilité, mais elles sont quand même beaucoup plus fiables. Nous ne pouvons pas faire nous-mêmes ces études cliniques, sinon nous serions juges et parties. Nous participons à la rédaction du protocole, mais ce n’est pas nous qui encadrons ensuite les patients, car il y aurait trop de biais. Cela se fait donc en partenariat avec des CHU. Par exemple, en ce moment, même si tout est un peu ralenti par la crise sanitaire, nous avons 2 protocoles qui sont en phase de tests : un sur Parkinson et un sur la prévention des chutes chez les seniors, portés par des CHU sur des cohortes de plus de 100 patients (160 sur Parkinson et 200 sur l’autre projet).
Comment stimulez-vous l'innovation chez NaturalPad?
Par des actions au fil des phases des projets. Pendant les phases où nous imaginons les solutions, par exemple. Pour que cette culture d’innovation irradie sur tout le monde, nous avons fait des game jam internes, mais pas comme celles contraintes sur un week-end sans dormir ! Les nôtres sont plutôt étalées sur quelques jours pour toute l’équipe. Nous réservons un Airbnb quelque part, avec une grande salle de réunion, et, sur les heures de travail, tout le monde est libre de participer à un projet de prototypage de jeu ou d’autre chose : nous laissons les personnes inventer des choses. Cela peut donner des outils pour aider les commerciaux, comme une nouvelle idée de jeu, c’est très variable. Il n’y a pas de thèmes définis à l’avance, tous ceux qui veulent proposer quelque chose peuvent le faire et travailler dessus pendant ce temps réservé. A une époque, nous faisions cela souvent, presque tous les 3 mois, mais en fonction de la production, cela nous arrive de ne pas le faire pendant 6 mois.
Les commerciaux ont l’habitude de partir ensemble, sur le terrain, autour d’une grande ville, pendant une semaine, une à 2 fois par mois (avant la crise sanitaire). Pendant cette semaine, chacun fait entre 2 et 4 démonstrations par jour. Ce sont donc des grosses semaines, ponctuées par de bons moments de détente tous ensemble. Nous faisons en sorte de manger ensemble et d’avoir une activité physique en commun dans la semaine.
Une fois par an, nous vivons ce type de semaine avec toute l’équipe. Nous choisissons un lieu où tout le monde peut travailler normalement la journée. Nous faisons aussi en sorte que tout le monde assiste au moins à une démonstration dans la semaine, pour rester connecté au terrain. Cela permet à tout le monde de rencontrer nos utilisateurs au moins une fois par an.
Un petit scoop, sur le futur proche?
La sortie du jeu Beat Workers (disponible sur le Playstore) dans lequel vous incarnez le Grand Architecte, en charge de la reconstruction de monuments français. Pour mener à bien votre mission, il vous faudra synchroniser les robots-bâtisseurs sur 32 morceaux différents en tapant le rythme avec vos doigts tout en résistant aux assauts incessants du Saboteur et de ses sbires robotiques.
N’hésitez pas à le tester et à nous faire vos retours !
Merci Antoine d’avoir partagé ta vision sur l’innovation.
Très bonne continuation !